Quelle bande de sous-civilisés, d’incultes, de culs-bénis à la morale mal placée !
« It has developed out of my own experiences in teaching and writing about Lolita, which have demonstrated that many readers are more troubled by Humbert Humbert’s use of language and lore than by his abuse of Lolita and law. » ( The Annotated Lolita, A.Appel Jr, spécialiste de Nabokov)
En résumé, un américain moyen à qui l’on fait étudier Lolita de Nabokov au lycée et à la fac est plus choqué par un « language » (merveilleusement géré, c’est bien le plus troublant), que par les actes (fantasmés ou non) contés à la première personne par un pédophile…
Ils sont sérieux ?!?!?!
Tout comme je relis le livre une seconde fois en 6 mois, car je suis sidérée de lire partout que les lecteurs comprennent ce livre comme une histoire d’amour dramatique et que Lolita n’est en gros une salope (de 12 ans donc, contre un mec de plus de 40… Je comprends que Maztneff filait des jours heureux à enculer des gamins de 8 ans avant de s’en vanter dans ses carnets, mais passons, ça n’est pas le sujet).
Pour ceux n’ayant pas lu le livre, je résume courtement : Humbert Humbert est un pédophile, au début n’ayant jamais passé à l’acte et tentant de se contenir au mieux, mais fantasmant intensément sur ses « nymphettes » de 9 à 14 ans environ, souvenir de son premier amour morte à cet âge.
Il se retrouve à épouser une femme pour être à côté de sa fille Lolita, 12 ans (et non 16 comme chez Kubrick, je n’ai pas vu le film je n’aime pas ce réalisateur) dont il est devenu dingue, la femme s’appercoit des penchants pédophiles de son nouvel époux et lui ordonne de quitter la maison, elle sort poster des lettres faisant état de la situation et meurt renversée par une voiture.
Humbert s’empresse d’aller chercher Lolita, à son camp de vacances, la kidnappe mentant sur le décès de sa mère et abuse d’elle, fuyant d’hôtels en hôtels durant de nombreux mois, un traditionnel road trip états-uniens…
Bref, je ne vais pas retranscrire tout le bouquin mais le personnage est immonde, cynique, névrosé, immoral : rêvant, par exemple, d’engrosser Lolita pour plus tard abuser leurs propres enfants lorsqu’elle serait trop âgée. (Le pire passage à mes yeux, et pourtant, pas si éloigné de la réalité lorsque l’on suit les faits divers).
Je cherche à comprendre POURQUOI les gens y voient une romance dans ce bouquin. Est-ce mon propre passé qui vient modifier ma vision des choses ou bien les gens ne sont-ils vraiment pas nets ?
Je précise que je ne jette pas la pierre à Nabokov pour son écrit, c’est au contraire fascinant, même s’il est difficile de se plonger dans la tête de l’ogre, il faut l’avouer et on ne peut que saluer sa capacité à rédiger cela, d’autant qu’il fut écrit en anglais sa seconde ou troisième langue, le phrasé est précieux, le vocabulaire plus que recherché et les diverses références classiques ou modernes parsèment l’ensemble de l’œuvre.
Mais comment les gens peuvent-ils voir du positif dans un roman volontairement rédigé à la première personne, un testament où Humbert n’y décrit que sa seule et unique vision des choses ?!?
Nabokov a réussi son pari : faire accepter l’inacceptable en jouant sur un point de vue, et comme chacun le sait, nous créons tous notre propre réalité.